De La Calle,
nous étions revenus vers l'ouest par Bône, Aïn
Mokra, Herbillon
Voici la suite de la description de "l'admirable
pays qu'est la nouvelle France."
Lorsque ensuite,
après le col de Bès, vous rentrerez à l'intérieur
des terres. Ne manquez pas de faire, sur la droite, le petit aller
et retour de 3 kilomètres environ qui vous conduira aux carrières
de marbre du Filfila. Un joli nom qui, par hasard, devient ici descriptif.
Ce sont des fils, en effet, de longs fils d'acier, bizarrement coudés
sur des poulies, qui, actionnés par des moteurs à pétrole,
en un circuit compliqué et sans fin, attaquent en plein sol,
scient et découpent, en cubes d'une tonne et davantage, l'admirable
marbre de cette région, plus blanc et d'un grain plus fin que
le carrare lui-même.
Mines inépuisables, d'ailleurs, où la Rome africaine
a trouvé longtemps de quoi figurer ses dieux et ses empereurs
et qui nous fournissent encore un des plus beaux marbres statuaires
du monde.
Carrières de marbre du Filfila
Avant d'arriver,
en plongée rapide, sur Philippeville, voici d'autres mines
encore. Cette fois, c'est le fer qu'on va chercher au pied de la montagne
déjà riche de sa toison forestière.
Mine de fer d'El Halia
Cela, et de grandes
prairies, de larges vignobles, précédés de pins
ou d'allées de palmiers, explique la jeune prospérité
de ce port artificiel. Nous y arrivons par une route à revêtement
moderne, suivie d'une somptueuse avenue de platanes et de palmiers,
à double contre-allée : entrée telle qu'en ont
peu de grandes villes en France.
Philippeville,
par cette voie triomphale, évoque le Rusicade romain dont elle
est descendue.
De celui-ci, à vrai dire, il reste peu de chose : des gradins
de théâtre à demi escamotés par des constructions
récentes quelques colonnes dans la cour du Musée,
un de ces petits musées de sous-préfecture dont les
clefs se rouillent.
Entrez-y cependant : vous y verrez - outre un Antonin colossal,
barbu et défiguré, mais très noble encore sous
sa cuirasse - un Bacchus en mosaïque dont l'expression de volupté
pensive et presque mélancolique semble n'être déjà
plus païenne.

Le port
Quant à
la ville actuelle, une longue rue, toute en arcades, lui conserve
une physionomie africaine malgré l'activité et la gaieté
européennes qui s'y déploient.
Elle s'épanouit au bord de la mer, en une place avenante, puis
en une terrasse concave qui court le long du port, encerclant une
blanche flottille de bateaux de pêche à l'ancre, rangés
comme à la parade.
La place de Marqué
Mais ce qu'il
ne faut pas manquer d'aller voir au nord-ouest, c'est l'ancien port
de Rusicade, Stora, joliment blotti sous des escarpements tout crépus
de chênes-lièges.
Promenade doublement exquise puisqu'on peut la faire, aller et retour,
par deux chemins, l'un en bordure du rivage, l'autre en corniche sinueuse
et verdoyante, parmi les menues villas et la flore fantasque et débordante
d'une sorte de serre naturelle.
Vers Stora
Quatre kilomètres
de ce film en couleur, et voici Stora, ses petites maisons vieillottes,
aux jardins en escaliers, son port lilliputien dont les seules fortifications
sont des vestiges de citernes et de murailles romaines et l'unique
bouche à feu un canon périmé sur lequel jouent
les gamins du village.
Stora, tout imprégné d'odeurs de sardines et de saumure,
luisant d'écailles d'argent et vibrant de canzonettas qui ont
survécu à la naturalisation de ses pêcheurs italiens
: une bien délicate marine à la manière de 1840.
Stora
Elle vous mettra
sans doute en goût d'en voir une autre du même style en
poussant jusqu'au port suivant, Collo, qui eut la gloire de fournir
Rome de la pourpre la plus fine et qui se borne aujourd'hui à
embarquer les lièges de la Kabylie dite de Collo.
Délicieux voyage matinal - après la belle sortie de
Philippeville, sous les eucalyptus et entre les orangeries que de
rouler, par Praxbourg.
Dans cet éden forestier où tout est vert, sauf quelques
grands stellaires jaunes qui rappellent nos ajoncs, sauf la chaussée
excellente et la chéchia rouge des bornes kilométriques
- en marbre, s'il vous plaît - de la "nationale"
mollement sinueuse et ondulée.
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